"Aaah ! N'approche pas ! N'approche pas ! Sabelette, reste où tu es !"
Le scientifique s'agitait tous les sens, agenouillé au sol, dans une situation des plus pitoyables. Sa blouse blanche traînait dans la poussière, tout comme un Sabelette qui semblait à bout. L'étrange Pokémon, avec lequel Michael n'était que relativement familier, était très probablement malade ou sévèrement blessé, et rampait avec peine jusqu'au chercheur, en tremblotant. Il était évident qu'il n'avait rien d'hostile, il cherchait juste de l'aide.
Michael laissa sa valise sur place, Ézéchiel dessus, et fit signe à Cizayox de ne pas avancer plus loin. Il s'approcha du Sabelette, et sous les yeux ébahis du scientifique, le souleva du bout de ses bras. Il fit quelques pas et le déposa à une distance raisonnable, sous un buisson, avant de revenir. Le scientifique balbutia :
"-Mais-mais-mais...Vous êtes fous ? Ce Pokémon est probablement atteint par le Pokéludisme !
-Et alors ? Je ne suis pas un Pokémon.", répondit le voleur.
A cette remarque, son interlocuteur sembla découvrir une évidence et figea son expression sur une bouche ouverte et bête, avant de se ressaisir. Il se releva et s'épousseta avant de répliquer :
"-A ce sujet, certains scientifiques vous répondraient que ce n'est pas certain ! Il est possible que tous, humain, animaux comme Pokémons, partagions...
-Vous y croyez, vous ?"
Encore une fois, l'homme en blouse fut pris de cours. Michael avait décelé un caractère faible en ce chercheur, dès qu'il l'avait entendu appelé à l'aide face à ce pauvre Sabelette. Prendre l’ascendant psychologique dans cette situation était utile bien que pas franchement nécessaire, mais c'était surtout délicieux. Coupé dans ses discours, il était facilement déboussolé, mais rentrait dans le moule que lui imposait le voleur.
"En vérité, non. Je pense que l'on regroupe sous le terme de Pokémon bien trop d'espèces différentes, dont certaines ne peuvent avoir de lien avec nous autres. Mélofée, par exemple, est probablement d'origine extra-terrestre, voyez-vous."
Il avait compris le message. Il s'en tenait à des phrases relativement courtes et essayait de se donner de la contenance. Croyant que cela avait marché, en voyant que Michael ne lui opposait aucune remarque, il s'accorda le droit de demander le nom de son "sauveur". Le voleur répondit sereinement :
"Michael. Michael Heaven. Je suis ici pour un travail de recherche sur les météorites. Et vous ?"
Le visage du scientifique s'illumina. Un compère ! Venu étudier avec lui ! En comparant leurs recherches, ils feraient très probablement une percée ! Il ne fallait juste pas qu'il révèle trop de ses découvertes, il s'était promis de garder le secret des Mélofées...
"Je suis le Dr. Simor, je travaille au musée d'Argenta. A vrai dire, je suis un spécialiste des pierres lune ! Je pense que l'on aurait beaucoup à échanger sur le sujet mais avant, ne devrions-nous pas faire quelque chose pour ce pauvre Sabelette ?"
Michael dissimula tant bien que mal une grimace. Il n'avait aucune envie de s'encombrer avec ce genre de choses. Il avait trouvé ce Simor, spécialiste d'un certain type de roches, il avait sûrement des choses à révéler sur ces météorites. Il voulait donc le distraire pour lui faire oublier. Mais ce n'était pas évident. Il décida plutôt de lui mentir, et sortit son Pokématos :
"Bien sûr. Attendez quelques instants. Avec les dernières percées sur le domaine, des équipes de secours ont vu le jour, je n'ai qu'à signaler notre position et l'une d'elle viendra le chercher. Voilà. Donc maintenant, vous disiez être un expert en ce qui concerne les pierres lune, hein ? Que sont-elles, exactement ?"
Simor ne semblait pas convaincu. Il donnait même l'air d'être méfiant. Mais il laissa passer et répondit, alors que Michael l'entraînait de la main plus loin :
"Eh bien, la réponse évidente serait que les pierres lune, comme les autres pierres évolutives, sont des roches tout à fait singulières permettant de libérer l'évolution de certains Pokémons spécifiques. Un lien assez évident peut être fait avec la méga-évolution, d'ailleurs ! Vous savez probablement déjà cela, en tant que scientifique, et je devine un sens plus profond à votre question ! Voyez-vous, d'après les travaux d'Albert Einstein, grand scientifique des continents lointains, une équivalence peut être faite entre l'énergie et la matière ! Ainsi, mon hypothèse, qui reste encore à démontrer, serait que les pierres évolutives seraient de l'énergie tellement condensée qu'elle en serait devenue massique et matérielle, sous la forme d'une roche ! Et certains Pokémons auraient la capacité de puiser cette énergie pour évoluer, consumant alors la pierre !"
Le scientifique avait des étoiles dans les yeux. Il rayonnait et faisait de grands gestes des mains pour illustrer ses propos, s'agitant dans toutes les directions. Michael ne souhaitait pas l'arrêter pour cette fois, parce qu'il dégageait trop de passion, et qu'il avait encore espoir que ce monologue finisse par l'intéresser. Et surtout qu'il espérait que cela lui ferait oublier le Sabelette.
"Et voyez-vous, là où nos thématiques de recherche se rejoignent, c'est que les pierres lune sont tout à fait particulières par rapport aux autres pierres évolutives ! Je crois sincèrement qu'elle viendraient de l'espace ! Tout comme vos météorites ! Mieux, je dirais qu'une gigantesque pierre lune existait, et qu'elle a explosé dans l'espace avant de s'écraser ici même ! Une chose qui ne colle pas et que je ne sais pas encore expliquer, cependant, c'est l'existence de Pokémons comme Seleroc, très friands de ces pierres et pourtant si loin du mont Sélénite, qui semble pourtant être l'épicentre du crash... Mais vous, Michael ! Peut-être avez-vous quelque chose à m'apprendre !"
Le voleur était pris au dépourvu, pour une fois. Il avait laissé Simor déballer ses connaissances et la vigilance de l'homme d'affaire en avait été altérée. Il s'était laissé endormir et s'était concentré sur ce qu'il pouvait retirer de ce scientifique. A aucun moment il n'avait envisagé qu'il doive ensuite lui rendre la pareil. Dans la panique, il décida qu'admettre la vérité serait un moindre mal en comparaison à un mensonge mal élaboré :
"-Docteur...Je crois qu'il y a eu méprise. Malgré mon âgé, je ne suis qu'un étudiant, en plein reconversion. Ce travail de recherche que je dois faire est pour le professeur Chen. Pour l'instant, j'avais bien une hypothèse ou deux, mais rien de si élaboré que la votre. Mon idée était que, les météorites tombant rarement de façon horizontale, le relief que présentait la route 3, et le mont Sélénite juste derrière, avait stoppé les corps et les cantonnait à cette seule zone. Mais cela ne me semble pas suffisant pour expliquer totalement la précision spatiale des chutes, et élude la question de l'étalement temporel...
-Oh Michael ! Mes excuses pour cette erreur ! L'astronomie Pokémon, c'est tellement passionnant, et je m'emporte ! Il fallait m'arrêter ! Le professeur Chen hein ? Quelle chance ! Si cela peut vous aider, je crois que votre hypothèse est tout à fait correcte oui ! Cependant vos doutes sont tout à fait fondés. Cette hypothèse aurait permis de protéger au plus le route 4, en considérant que les météorites tombent depuis l'Ouest comme cela semble être le cas. Mais un nuage de météores classique se répand bien plus que ça ! A vrai dire, je pense que l'on peut trouver une autre explication aux deux problèmes que vous soulevez ! Mais ce à quoi je suis confronté, et que j'espérais justement en vous rencontrant résoudre, c'est que chaque problème aurait une explication excluant le second, ce qui est impossible !"
Simor s'arrêta là, alors même que c'était le sujet qui intéressait Michael. Sa langue déliée semblait ne jamais se fatiguer, mais pourtant, il prenait une pause. Ou alors, c'était qu'il pensait maintenant qu'il était inutile d'expliquer de savantes choses à un vulgaire étudiant. Ce dernier ne s'irrita pas : le docteur avait fait preuve d'une grande sympathie jusqu'à présent, son interprétation ne pouvait être qu'erronée. A la place, il préféra le relancer :
"-Je vous en prie Simor, continuez. Quelles serraient ces explications ?
-Votre curiosité me fait vraiment plaisir, Michael ! Voyez-vous, très peu de météorites pénètrent seules l'atmosphère terrestre. Ou plutôt non, je viens de dire quelque chose de faux, très peu touchent seules la surface. Généralement, les météores ne sont qu'un seul bloc, et les conditions de pression et de températures durant leurs chutes les font se désagréger en plusieurs petites météorites. C'est ce phénomène qui fait que les météorites tombent généralement par groupe proches. Mais comme elles sont issues du même astéroïde, elles arrivent relativement proches aussi dans le temps, elles pénètrent l'atmosphère en même temps. Vous voyez la contradiction ? L'autre solution, pour avoir plusieurs météorites partageant les mêmes caractéristiques et composants, serait qu'elles proviennent encore une fois du même bloc, mais que ce bloc ne se soit cette fois-ci pas désagrégé dans l'atmosphère, mais aurait explosé dans l'espace à la suite d'un choc. La conservation de la quantité de mouvement assurerait bien que les morceaux arrivent à des moment différents, puisqu'ils auraient des vitesses différentes, seulement un tel choc aurait donné une multitude de trajectoires différentes, et donc un éclatement spatial. Et ce doit être là que s'arrêtent les explications scientifiques. Elles sont mises en échec."
Simor s'arrêta là. Michael sentit tout de suite qu'il dissimulait quelque chose. Il avait encore quelque chose à dire, mais n'osait pas le faire. Il n'avait probablement pas confiance en lui, lui qui n'avait pour l'instant pas dévoilé beaucoup de choses, ce qui n'engageait pas le scientifique à partager d'avantage. Mais il fallait dire qu'il n'avait rien à dire sur le sujet, en fait. Rien a apprendre à Simor. Il tenta tout de même d'insister, pour qu'il lui révèle ce qu'il cachait :
"-Et en ce qui concerne les explications ne relevant pas de la science ?"
Le chercheur semblait troublé, inquiet et en proie à un dilemme. Il ne voulait pas divulguer ce qu'il savait des Mélofées, et de leur culte pour la pierre lune dans le mont Sélénite. Mais il en avait une d'explication. Quelque chose de plausible. Il commença, timidement, avant d'aller au fond de sa pensée :
"Eh bien...Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que les Mélofées ne sont pas originaires de notre planète. Ils sont eux aussi présents dans les environs, en masse, et semblent avoir un lien privilégié avec les pierres lune. Je crois qu'il s'agit d'une forme de culte, et qu'ils appellent les pierres lune à eux."
Michael haussa un sourcil. Simor était de nouveau lancé dans ces histoires d'extraterrestre, et il jetait dans le tout un culte mystérieux. De son côté, le scientifique était heureux d'avoir pu formuler une réponse sans pour autant révéler ce qu'il savait des Mélofées cachés dans le mont. Il préservait encore leur paix pour qu'ils puissent réparer leur "vaisseau".
Le voleur pris une grand inspiration. Il réfléchissait à ce qu'il devait faire, maintenant, en particulier avec ce Simor qui semblait être une source douteuse.
"-Si je vous ai bien suivi, une dose colossale d'énergie se serait compactée sous la forme d'une pierre lune géante-astéroïde, chevauchée par des Mélofées et qui aurait explosé dans l'espace pour s'écraser majoritairement ici, où les Mélofées appellent par une force inconnue le reste de l'astéroïde ?
-Dis comme cela, cela semble un peu caricatural et farfelu, mais c'est bien mon idée, oui.
-Y a-t-il autre chose dans vos observations qui permettent de corroborer cette thèse ?
-Euh. C'est à dire que. Eh bien, non, j'e n'ai rien d'autres.
-Sans doute transportez-vous une pierre lune sur vous, que je pourrais observer ?"
Michael savait qu'il n'en saurait pas plus. Simor ne voulait pas le dire. Mais il ne rechigna pas à sortir une pierre lune de sa poche pour la montrer : elle était bien plus sombre et lisse que ce à quoi le voleur s'attendait. Il aurait imaginé un caillou grisâtre, creusé à la façon de ce que l'on pouvait voir de la surface de la Lune, ici sur Terre.
Ce serait une horreur à rédiger, ce devoir. La discussion avait été longue, et Michael en avait déjà marre. Il voulait prendre le temps de noter tout cela avant d'aller plus loin. Aussi il remercia Simor, qui de toute façon ne lui apprendrait rien qui ait le moindre sens, et il s'éloigna accompagné de son Mimitoss et de son Cizayox. Avant d'être hors de vue, le scientifique lui cria :
"-Ce sont de beaux Pokémons ! Comment s'appellent-ils ?
-Ézéchiel et...Suriel."