Bien trop concentrée à s'occuper des clients qui attendaient sagement dans la file, l'infirmière Joelle fronça les sourcils en voyant un jeune homme qui ne semblait se soucier guère de la bonne marche à suivre : il dépassa tout le monde. Alors qu'elle allait le remettre sèchement à sa place - après tout, c'est un peu elle la chef ici - elle vit qu'il portait un Pokemon plutôt mal en point, ce qui eut pour effet de l'adoucir immédiatement.

Sans un mot, elle mit sa main sur le front de la créature, il était brûlant de fièvre. L'inquiétude la gagna aussitôt, mais elle savait très bien ce qu'elle avait à faire.

Ayant vue le spectacle de loin, Leveinard était déjà prêt à prendre en charge le malade sur son brancard et d'un signe de tête de l'infirmière Joelle, il s'approcha. La jeune femme, elle, se tourna vers l'homme qui lui faisait face.

"Ne vous inquiétez pas, je vais m'occuper de lui. Je pense à un rhume ou un virus contracter. Il ne doit pas être en danger. Mais si ca peut vous rassurez et au cas où vous ne le saurez pas : Cette zone n'est plus touchée par le Pokeludisme, donc il n'en est certainement pas atteint."

Après avoir prononcée ces mots, l'infirmière Joelle s'éloigna en direction de Leveinard afin de lui donner quelques recommandations avant de revenir à son comptoir.

Le visage de Joëlle semblait dur au premier abord, mais il s'adoucit aussitôt qu'elle vit le pokémon malade. Cependant, il n'était selon elle certainement pas atteint du pokéludisme. A l'annonce de cette nouvelle, ma tête me fit mal. Comment c'était possible ? J'avais la sensation que la maladie était a son apogée il y a pas si longtemps que ça... mais même la notion de temps ne semblait plus trouver forme dans ma tête...

-Merci Madame...

J'avais l'envie de ressortir du centre, mais ma tête me faisait de plus en plus mal. Trouvant une table de libre, j'allais m'y asseoir non sans mal. Je n'avais pas de moyens de soigner ce mal de tête et je n'avais pas non plus envie de déranger a nouveau l'infirmière Joëlle. Ma conscience, alors que je m'affaissais dans mon siège, semblait me porter vers le début de mon voyage...et même...un peu avant...


Lorsque je fus réveillé, j'étais dans une salle qui s'apparentait fortement a une salle d'hôpital. Les murs blancs, les lits médicalisés. Il y en avait 14 dans la salle, et tous étaient occupés. Par de jeunes garçons comme moi.

Je me levais sans difficulté de mon lit, qui était tout au bout de la salle, a l'opposé de la porte. Avec une agréable sensation de flottement, j'évoluais dans la pièce, portant attention sur le bout des lits. Tous étaient munis d'une plaque. Regardant mon propre lit, je lus ce qui était marqué :


A quoi cela correspondait ? Toutes les plaques suivaient le motif similaire, avec quelques légères variations. Seul le “H” semblait commun a strictement toutes les plaques.

Autre point étrange : la rangée de lits en face de la mienne. Alors que les patients a côté de moi semblaient étrangement amorphes, ceux qui étaient de l’autre côté lisaient tranquillement le même livre, avec tous la même expression neutre sur le visage.

Alors que je m’enfonçais de plus en plus dans le sommeil, je me sentis tiré par une force inexorable vers la réalité. La limite de mon souvenir ? Le bruit du sac qui tombait au sol ?

Peu importait. Ce souvenir émergeait brusquement, tel un glaçon qui était maintenu au fond d’un verre qu’on avait laissé finalement remonter. Mais si je n’étais pas dans un hôpital, où est-ce que j’avais pu me retrouver après le drame ? Est-ce que…

Mon pokématos vibra. Encore déboussolé par le rêve troublant que je venais de faire, ou plutôt le souvenir étrange que je venais de me restituer, je mis un bon bout de temps avant de réagir. Prenant le temps de remettre mon sac sur le dos pour ensuite sortir du centre pour me mettre dans un coin isolé juste a côté, je me saisis ensuite de mon pokématos et pris l’appel.

-Ouais, allô William ?

J’avais manqué de sursauter en entendant la voix. Si je m’attendais à ça… Nathalie m’avait appellé. Dans la foule de souvenirs en conflit dans ma tête, je parvins quand même a avoir une certitude : elle avait prévenu que les jours ou elle appellerait, elle ne le ferait pas sans raison. Tentant de prendre une voix assurée pour masquer mon trouble, je répondis :

-Allô ?

-Je viens de recevoir un appel de tes parents, ils veulent que tu reviennes a Kalos. Vu que tu es a Carmin actuellement, nous te laissons un peu de temps pour revenir a Bourg Palette. Je t'emmènerais à l’aéroport.

Abasourdi par cette nouvelle, je n'affaissais contre un mur. Pourquoi si brusquement ? De plus, Nathalie ne semblait pas plus dérangée que ça. Peut être était-ce un effet de la transmission, mais elle semblait émotionellement très distante pour quelqu’un qui m’avait couvé pendant 6 mois chez elle. Enfin bon, cela faisait deux ans que j’avais quitté le foyer aussi. La question n’était pas là

-Tu es toujours là ?

-Euh, oui oui. Mais je ne suis pas à Carmin en ce moment.

-Ah bon ? Pourtant, je… tu es ou alors ?

-Je…

Je m’étais fait avoir a mon propre jeu. Je n’arrivais pas a me souvenir d’un nom de ville autre que Carmin ou Bourg Palette sur le moment. Encore une fois, ma mémoire me faisait défaut. Je n’avais pas d’autre choix que de tourner la tentative d’arnaque en maladresse.

-Ah si tiens, je ne pensais pas mais maintenant que tu le dis c’est vrai que le centre pokémon correspond bien a celui de Carmin.

-Oh… d’accord. Petit trou de mémoire, je suppose ?

Tu n’avais pas idée...quoique, elle avait peut être une idée précise de mes "troubles mentaux".

-Dis, j’ai bien été attaqué par Yveltal quand j’étais a Kalos, dans la ville d’Illumis ?

-Bien sûr, pourquoi cette question ?

-Et j’ai été soigné dans un hôpital avant que tu me récupères a Kanto ?

-William ?

-Tu sais ça veut dire quoi, KN 1 H1 ?

Nathalie sembla marquer un temps de pause pour trouver les mots. C’était sûr, elle SAIT quelque chose. Et finalement, elle esquiva la question.

-Ce n’est pas important. Ce qu’il faut, c’est que tu rentres a Bourg Palette le plus vite possible. Je vais m’assurer que tu ne te perdes pas, ok ?

Le coeur battant a tout rompre, je raccrochais sans même répondre. J’avais extrêmement mal a la tête. M’asseyant contre un mur, je me laissais aller. Un souvenir refaisait surface…


Je n’étais plus dans la salle de soins de tout à l’heure. J’étais dans un autre lit, qui lui semblait être le seul dans la pièce. Dans un état à la limite du sommeil, j’entendis une porte s’ouvrir. A l'ouïe, je pouvais sentir deux personnes rentrer dans la pièce. Qui étaient-ils ?

-Le travail que vous faites avec les selecteurs me semble probant. Ainsi donc, la première vague a achevé son cycle de formation ?

-Oui, nous pouvons les lancer dans le mois.

Maman ! Mon cerveau semblait engourdi et incapable de réagir. Je voulais l'appeler, la voir, avoir un soutien. Mais je n’étais plus dans l’état léger de tout à l’heure. Le souvenir était plus profond et moins facile a remémorer. Je n’arrivais pas a voir ma mère.

-Mr. Mayu, n’oubliez pas que ce sont des phases de test. Nous comptons sur l’efficacité de vos agents pour rendre compte de la situation réguliérement.

Même sans souvenir visuel, je pouvais sentir un regard se poser sur moi. Mais pas le regard bienveillant de ma mère.

-En ce qui concerne ce sujet, nous avons décidé de fermer les yeux. Ne soyez pas si exigeante de nos agents, Madame Fuoco. Ce sont vos sujets qui doivent donner des résultats probants. A ce propos, j’en ai déjà informé votre mari avant de venir, mais je vous informe que nous avons commencé la sélection des 14 filles, selon vos critéres. Et nous avons déjà un cas probant, la fille Fubu…

-Euh, attendez deux secondes, la phase 1 du cycle a du mal a se lancer. On y va…

Et alors que ma mère disait ses mots, mon souvenir se rompit brusquement. Des images floues se succédaient dans ma tête, et cette fameuse attaque de Yveltal défila. Irrélle, sans précédent ni suite.


Tête dans l’herbe, j’émergeais de mon souvenir. Yveltal n’était d’un rêve. Comment… comment les deux dernières années de ma vie avaient pu être basés sur un rêve…